André Jacquemin, un graveur vosgien d’exception
André Jacquemin est un illustre peintre-graveur et aquarelliste français, né à Épinal, dans les Vosges, le 3 septembre 1904.
À six ans, il entre à l’école Saint Goëry où il se rend vite célèbre pour ses talents de dessinateur. Sous le préau, les boîtes de cigares décorées par Jacquemin s’échangent contre quelques lacets de réglisses. Il part à Paris à 17 ans à l’école des Beaux-Arts où il apprend l’art de la gravure avec Charles Albert Waltner. En 1928, il fonde, avec onze autres graveurs, l’association La jeune gravure contemporaine. Il accumule les récompenses : lauréat de la fondation américaine Blumenthal en 1930, grand prix national des Arts en 1936, attribué pour la première fois à un graveur. En 1937, il représente la gravure française à la Biennale de Venise.
Début 1932, il devient sociétaire des Peintres graveurs français, parrainé par Laboureur et Dunoyer de Segonzac, son père spirituel. Il épouse Andrée PONCELET, sœur du peintre Maurice-Georges Poncelet, en 1934. Elle aussi est artiste peintre sous le pseudonyme d’Andrée JACLET.
A partir de 1953, il est conservateur du musée départemental des Vosges, où il organisera notamment la section des images d’Epinal et celle de l’art contemporain qu’il illustra de trois Picasso. En 1974, il quitte le Musée d’Epinal pour retrouver la capitale. Son atelier, au neuvième étage d’un immeuble du quartier du Palais-Royal, offre une vue splendide sur les toits de Paris, face au Sacré-Cœur. Il est alors au faîte de sa carrière. Parallèlement à son art, il multiplie les conférences sur la gravure, sur l’œuvre de son cher Rembrandt. Les expositions, qui n’avaient jamais cessé, laissent bientôt place à d’importantes rétrospectives, à l’invitation d’institutions prestigieuses : La Bibliothèque Nationale en 1981, La Monnaie de Paris de Paris en 1983, Le Musée du Luxembourg en 1989, Le Conseil Général des Vosges en 1990.
En mars 1981, André Jacquemin est élu à l’Académie des beaux-arts, dont il fut le président en 1989, dans la section gravure, au fauteuil du peintre-lithographe Pierre-Eugène Clairin. Il s’éteint le 16 janvier 1992 à Paris, à l’âge de 88 ans.
Plaque commémorative à Épinal.
Un graveur d’exception
Dans la gravure, il représente la grande tradition de la taille-douce d’après nature, l’expression toujours renouvelée du blanc et du noir. Espace ou paysage… Le grand art de Jacquemin, c’est de suggérer, par la pureté de la composition et des structures, ces deux aspects de la nature. L’homme est profondément présent, créateur, mais le plus souvent à peine figuré, et le lieu est réel. Étendue à perte de vue, champ de neige, champ de blé, plan d’eau… autant de thèmes qui lui sont chers. Mais il en est où il se surpasse, ce sont les paysages de neige ; ils ont une dimension surnaturelle. Il est le seul à métamorphoser le blanc du papier en neige et à en matérialiser la densité, à traduire le silence de ces espaces. Cette faculté d’alchimiste ne laisse pas de surprendre, de subjuguer. C’est une révélation du blanc et du noir. On pourrait en dire presque autant de ses variations d’atmosphère.
© André Jacquemin – Gravure sur papier Velin d’ARCHES® – 1989
Il dessine et grave d’après le motif. Il restera toujours fidèle à cette manière qui transparaît dans son œuvre, projetant sur sa plaque ses sensations et impressions les plus pures, avec le synthétisme et l’abstraction que la gravure nécessite ; il imprègne ses œuvres d’une sensibilité et d’une vérité surprenantes. Il évite la création différée, par l’intermédiaire d’un dessin, si desséchante pour ce moyen d’expression. Dès ses débuts, ses œuvres offrent un attrait singulier, et les chefs-d’œuvre qui jalonnent sa carrière ne sont datables que parce que datés dans le cuivre.
Ses paysages, généralement tracés au burin sur cuivre, décorent les murs de nombreux musées de France et à l’étranger.
© André Jacquemin – Epinal, Vergers en août – Eau forte sur papier Velin d’ARCHES® – 1964
© André Jacquemin – Village de la plaine Vosgienne – Gravure sur papier Velin d’ARCHES® – 1970
Un artiste aux compétences multiples
André Jacquemin a également produit un grand nombre de dessins, de pastels, d’aquarelles, de peintures… Il est aussi portraitiste, animalier, graveur de nus, de scènes de genre, de types, de natures mortes et illustrateur.
1938 marque les débuts de sa carrière d’illustrateur. La Colline inspirée, le chef-d’œuvre vosgien de Maurice Barrès qu’il rêvait d’illustrer, lui est commandée par la Société des Bibliophiles franco-suisses. Le drame des frères Baillard, dans ce pays de Sion-Vaudémont qu’il aime tant et connaît si bien, sera sa première “grande bataille” : quatre-vingt-cinq planches originales à l’eau-forte exécutées en deux ans. Elle le consacrera, aussitôt, comme un des maîtres de l’illustration moderne.
© André Jacquemin – Forêt de hêtres près de Plombières – Pointe sèche sur papier Velin d’ARCHES® – 1983
Son œuvre en tant qu’illustrateur, comprend trente et un ouvrages d’auteurs consacrés : Barrès, Montherlant, Colette, Giono, Brillat-Savarin, Bernanos, Malraux, Pourrat, Bosco, Mac-Orlan… Jacquemin accorde toujours sa technique au style de l’écrivain ; il grave sur les lieux mêmes où se passe l’action, à la recherche du vrai, d’une communion, d’une complicité avec la terre, les personnages, les auteurs.
Il laisse derrière lui une œuvre forte, authentique et considérable : paysages, bêtes, visages, nus, gravés sur le cuivre ou tracés sur la feuille avec élégance, tous empreints, comme il l’était lui-même, d’un amour profond de la nature et d’un éclatant bonheur de vivre.
André Jacquemin, peintre-graveur vosgien (andre-jacquemin.com)
